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Derrière les « hourras » du Nobel frança Derrière les « hourras » du Nobel français...

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Le 7 octobre dernier, la Française Emmanuelle Charpentier était récompensée par le prix Nobel de chimie, en compagnie de la chercheuse américaine Jennifer Doudna, pour leur découverte en 2012 des ciseaux moléculaires « Crispr-Cas9 » capables de couper l’ADN très précisément. Une technologie révolutionnaire dans le domaine de l’amélioration du vivant, marquant une rupture comme on en voit peu dans un siècle. Un concert d’applaudissements tricolores s’en est logiquement suivi, classe politique en tête. Difficile pourtant de ne pas souligner la situation tout à fait singulière de la France à son sujet et le cortège des hypocrites qui a défilé à cette occasion. Car la France, sous la férule des ONG et des tenants de l’écologie politique, est hostile de longue date au génie génétique et ne semble pas favorable pour l’instant aux techniques d’édition de gènes pour le végétal. Elle s’interdit donc les applications concrètes de ce prix Nobel et regarde le train passer... Dernièrement, Agnès Ricroch, maître de conférences à AgroParisTech et à Paris-Saclay, portait un constat édifiant dans Le Point : « Le génie génétique est très mal perçu en France. Un chercheur peut ne pas être promu s’il travaille sur des sujets devenus politiquement incorrects, et subir des pressions de sa hiérarchie pour ne pas s’exprimer dans les médias. » C’est aussi se fermer des portes pour lever des fonds ou être distingué. Si cette posture n’est pas responsable à elle seule de l’expatriation - depuis 24 ans - de la lauréate française, elle explique sûrement pourquoi elle n’a pas envie de revenir travailler dans son pays ! Le système Crispr-Cas9 risque de subir le même sort que les OGM, même si des réflexions éthiques ont été menées en amont, car l’écologisme politique n’en veut pas ! Dans l’UE, cinq essais auraient été menés au champ sur des plantes éditées avec cet outil (maïs, colza, tabac et cameline en Belgique, Espagne, Royaume-Uni) mais aucun en France...

La Chine a investi massivement dans cette technologie et pris le leadership. C’est ainsi qu’elle l’a utilisée pour développer un riz résistant au mildiou, tout en jouant aussi les apprentis sorciers, en la dévoyant sur des embryons humains qui ont défrayé la chronique (le responsable est en prison). La technologie est donc puissante et nécessite en même temps qu’on lui fixe des garde-fous. Est-ce une raison pour refermer le dossier alors que de nombreux pays agricoles l’utilisent ou vont l’utiliser ? Alors qu’en sélection classique, il faut une dizaine d’années pour sortir une variété, Crispr-Cas9 peut raccourcir singulièrement les délais (jusqu’à la moitié disent certains experts), tout en offrant un champ de possibilités décuplé. Va-t-on refuser son aide alors que l’on recherche désespérément une betterave résistante à la jaunisse ?

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